Sur la répression des violences sexuelles liées aux conflits
Pour faire cesser ces crimes, nous donnerons aux victimes une voix – leur propre voix.
En donnant l’exemple, ensemble, à travers (…) la compréhension et la coopération, nous pouvons transformer et nous transformerons la réponse publique aux crimes sexuels dans le monde entier, à l’intérieur et en dehors des zones de conflits.
Il y a 7 ans jour pour jour, le 14 février 2012, la Procureure de la Cour Pénale Internationale (CPI) Fatou BENSOUDA, était conviée à une conférence internationale organisée à Sydney, à l’occasion du 10e anniversaire de la CPI (lire l’intégralité de la Déclaration).
L’occasion se présentait de faire un bilan de l’action de la CPI et Fatou BENSOUDA saluait l’évolution du droit international pénal en matière de violences sexuelles qu’elle estime très « révélatrice du chemin parcouru ». Nous sommes en effet, en quelques décennies, passés d’un refus de poursuivre les crimes à caractère sexuel lors du procès de Nuremberg, au Statut de Rome de la CPI, représentant la première incrimination explicite des violences sexuelles comme éléments constitutifs de crimes internationaux en droit positif.
Mme BENSOUDA affirmait alors son engagement dans la poursuite de telles exactions en assurant que le statut tout comme sa mise en oeuvre, par le Bureau du Procureur, portaient une attention particulière au traitement des crimes à nature sexuelle : « C’est dans ce sens que le Bureau du Procureur s’est constamment efforcé d’assurer à son personnel une formation adéquate lui permettant d’intégrer une perspective «sexospécifique» dans ses enquêtes et ses affaires, tout en présentant les aspects du conflit liés au genre en liaison avec les éléments contextuels des crimes définis par le Statut de Rome ». Elle insistait toutefois sur la difficulté que rencontre la poursuite de tels crimes, liée à ce qu’elle estimait être un accord tacite des sociétés pour fermer les yeux sur de tels faits. Il existerait un tabou qui contribuerait à minimiser et banaliser ce genre de violences en induisant une honte auprès des victimes qui les réduirait au silence. Fatou BENSOUDA insistait alors sur le fait que la loi et les procédures judiciaires devaient être une arme puissante pour mettre la lumière sur ces crimes, redonner la parole aux victimes et punir leurs auteurs. Elle saisissait alors cette occasion pour rappeler le rôle crucial que joue la société civile, notamment les organisations internationales qui représentent parfois le seul soutien pour les victimes de violences sexuelles commises lors des conflits. Madame BENSOUDA s’engageait à renforcer la coopération entre le Bureau du procureur et ces organisations afin d’atteindre encore plus de victimes.
Il y a 7 ans, cette déclaration montrait la volonté de la CPI de réprimer avec force les crimes à caractère sexuel dans les conflits. Depuis, la Cour a rappelé à plusieurs reprises sont engagement sur cette question, et s’efforce de donner à ses enquêteurs les compétences nécessaires pour travailler sur les crimes impliquant des violences sexuelles. Néanmoins, force est de constater que la CPI fait face à des blocages et que son fonctionnement est en partie à repenser. L’acquittement du congolais Jean-Pierre Bemba en 2018 faute d’éléments pour prouver sa culpabilité ou encore l’impunité qui règne en Libye face aux sévices sexuels, témoignent d’une certaine impuissance de la CPI et de ses méthodes d’enquête.
Cependant, les mots de cette déclaration de 2012 sont toujours très justes. WWoW est convaincu qu’il est nécessaire de favoriser la coopération entre les instances internationales telles que la CPI et les ONG et réseaux locaux. Il est tout aussi important de former les enquêteurs aux caractéristiques des crimes sexuels, de comprendre ce que renferment les violences sexuelles liées au conflit. Le travail de la CPI en sera d’autant plus solide et lui permettra de réaliser sa mission des plus nobles : lutter contre l’impunité. C’est en ce sens que l’équipe de WWoW travaille au quotidien. Céline Bardet, fondatrice et directrice de l’ONG, ne cesse de rappeler l’importance d’apporter soutien et justice aux victimes des violences sexuelles liées aux conflits. En apportant l’aide médicale et juridique dont elles ont besoin, WWoW entend aussi leur redonner une voix qui sera entendue et écoutée par toute la communauté internationale.
Redonner leurs voix aux victimes, c’est aussi l’un des maîtres mots du Forum International « Stand Speak Rise Up ! ». Cet événement co-organisé par S.A.R la Grande Duchesse du Luxembourg, We Are Not Weapons of War et la Fondation Mukwege veut redonner un pouvoir d’action aux survivant.e.s des violences sexuelles dans les conflits. Fatou Bensouda, Procureure Générale de la CPI sera également présente à ce Forum qui veut montrer que c’est en faisant collaborer instances internationales, ONG, experts et activistes locaux, que l’on peut apporter une réponse concrète aux violences sexuelles liées aux conflits.
Juliette Vandest