Les violences sexuelles liées aux conflits sont devenues un enjeux public mondial
Les violences sexuelles liées aux conflits sont devenues un enjeu public mondial extrêmement médiatisé depuis une dizaine d’années. Même si les tribunaux pénaux internationaux et notamment le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie ou celui pour le Rwanda ont adressé les questions de violences sexuelles dans les conflits dès les années 2000.
Pourtant d’un point de vue public, la France et l’Europe méditerranéenne ont mis bien plus de temps à réagir que d'autres pays. Les pays anglo-saxons tels que le Royaume-Uni ou les États-Unis consacrent depuis des dizaines d’années des enquêtes médiatiques fortes sur la question des violences sexuelles liées aux conflits. De nombreuses conférences et colloques aussi.
Couverture du magazine Time. Photo Lynsey Addario
La prise de conscience sur la scène internationale
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Au niveau international, ce n’est qu’en 2009 que le bureau de la Représentante Spéciale du Secrétaire Général des Nations Unies chargée des violences sexuelles commises en temps de conflit a été créé. La première représentante prend ses fonctions en 2010, Mme Margaret Wallström puis Mme Zainab Bangura en 2012 et enfin, depuis 2017, Mme Pramila Patten.
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En 2016, la journée internationale pour l’élimination des violences sexuelles en temps de conflit est créée le 19 juin.
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En 2018, le Prix Nobel de la Paix, attribué à Denis Mukwege et Nadia Murad, a confirmé cette prise de conscience internationale.
Aujourd’hui, la communauté internationale s’est saisie du sujet et se retrouve autour de nombreuses conférences et débats.
Avec sa création en 2014 et son travail de plaidoyer, WWoW a grandement contribué à une visibilité plus grande dans les médias français et internationaux ainsi qu’à de nombreuses actions.
Les constats
Ce plaidoyer a permis le développement de nombreux programmes aux budgets très importants mais dont l'impact reste encore relatif, car trop ancré dans le monde traditionnel du développement international : formations théoriques, émission de “guidelines”, inadaptation des réponses aux réalités locales. Les acteurs locaux ont pourtant tous le même discours et les besoins sont beaucoup plus concrets que ce qui est actuellement déployé. Nous avons besoin d’une véritable révolution dans les approches.
WWoW fait le constat sur le terrain que femmes, hommes et enfants victimes d’hier et aujourd’hui, sont nombreux et restent en très grande précarité. Car la situation de ces victimes est intrinsèquement liée à celle des États dont ils sont citoyens. Trop d’insécurité. Pas de gouvernance. Invisibilité et surtout pas de processus de justice ou si peu, donc une immense impunité.
La Libye, la Syrie, la Guinée-Conakry, la RDC, la RCA ou le Burundi sont de très bons exemples : cinq à dix ans après, certaines victimes n'ont jamais reçu de soins, d'autres n'ont même jamais parlé. Les victimes souhaitent pourtant se signaler pour être reconnues et prises en charge par des services compétents
WWoW considère que ces programmes doivent donc être beaucoup mieux adaptés aux réalités locales et s’accompagner d’actions concrètes, à impacts ciblés et durables. Des impacts qui soient mesurables grâce à des indicateurs simples, autant qualitatifs que quantitatifs tels que le nombre de personnels formé, la qualité des soins, dans différents secteurs et le nombre de victimes prises en charge, et qui permettent d'augmenter les capacités de prise en charge et la coordination. Les structures existent sur le terrain, les ressources humaines aussi ; des réseaux sont mobilisés et certaines victimes déjà identifiées. Mais il reste à en identifier encore beaucoup et avec des approches radicalement différentes de celles existantes aujourd’hui et qui ont échouées.
La majorité des programmes mis en œuvre dans le domaine des violences sexuelles liées aux conflits n’ont pas d’impact réel pour les victimes elles-mêmes. Bien qu'il existe un intérêt réel pour ce sujet devenu très médiatique, la question des violences sexuelles liées aux conflits reste encore trop l’apanage ou le monopole des grandes organisations internationales ou non gouvernementales classiques. Faire d’un sujet aussi important un fait médiatique est un élément positif. Cela sensibilise le grand public, intègre la problématique à l’agenda des priorités et engage des bailleurs de fonds (inter)nationaux. Mais une sur-médiatisation entraîne aussi une forme d'opportunisme sur lequel il est essentiel de rester vigilant.
En parallèle, victimes et organisations locales sont sollicitées sur le terrain, mais les programmes ne sont souvent pas pensés sur le long-terme et de manière pérenne, et les actions limitées voire parfois contre-productives. Cela peut créer des attentes auprès des bénéficiaires locaux : la multiplication de saisie des témoignages créant des traumas, il faut mettre en place des mesures préventives et appliquer strictement le Do Not Harm, il faut aussi mieux former aux prises de témoignages.
Enfin, certaines zones concentrent toute l’attention internationale (ex : République Démocratique du Congo ou République Centrafricaine) alors que d’autres moins visibles ont pourtant les mêmes besoins. Une meilleure répartition à la fois des financements et des programmes, couplée à un contrôle plus strict de leur gestion et impacts serait donc la voie vers laquelle aller pour assurer une pérennité et viabilité des actions. Les violences sexuelles dans les zones fragiles sont présentes dans de nombreuses zones et la réponse doit être globale afin de limiter la reproduction des mêmes schémas sociaux et les risques de résurgence de la violence et donc des conflits.