CSW68
En mars 2024, l’équipe de WWoW s’est rendue à New York pour participer à la 68e Commission sur le Statut de la Femme (CSW68) au sein de l’ONU.
Invitée par la délégation française, WWoW, à la demande du ministère chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations et du Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères, a organisé le side-event ministériel de la France, avec la participation de Madame la Ministre Aurore Bergé et la Représentante spéciale du Secrétaire Général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, Mme Pramila Patten.
Qu'est-ce que la CSW ?
La Commission on the Status of Women (Commission de la condition de la Femme) est une Commission fonctionnelle du Conseil Économique et Social des Nations Unies (ECOSOC). Elle a été créée par la résolution 11 (II) du Conseil du 21 juin 1946.
C’est le principal organe intergouvernemental mondial dédié exclusivement à la promotion de l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes.
Chaque année, la CSW organise un événement majeur réunissant des représentants gouvernementaux, des ONG, des activistes et d'autres parties prenantes pour discuter des progrès, des défis et des solutions concernant les droits des femmes et des filles à l'échelle mondiale.
Cette année, la 68ème session de la CSW a eu lieu du 11 au 22 mars 2024. Le thème prioritaire de cette année était :
« Accélérer la réalisation de l'égalité des sexes et l'autonomisation de toutes les femmes et de toutes les filles en luttant contre la pauvreté et en renforçant les institutions et le financement dans une perspective de genre ».
« Notre monde traverse une période de turbulences, et les femmes et les jeunes filles sont durement touchées. Dans les zones de conflit du monde entier, ce sont les femmes et les filles qui souffrent le plus des guerres menées par les hommes. »
António Guterres, Secrétaire Général des Nations Unies, lors de la cérémonie d'ouverture de la CSW68.
Notre side-event
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Madame Aurore Bergé, Ministre française chargée de l'Égalité de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, a ouvert le débat en soulignant l'importance cruciale de la diplomatie féministe et de l'action multilatérale pour répondre à ce défi mondial.
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Aujourd’hui, les violences sexuelles dans les conflits persistent de manière généralisée et systématique à l’échelle mondiale, et ce, malgré les efforts entrepris pour y remédier.
Face à cette réalité insoutenable, il appartient à la communauté internationale d'apporter des réponses plus efficaces et concertées. Pour cette raison, notre ambition pour cet événement était de rassembler des acteurs variés, allant des organisations de la société civile aux survivantes, en passant par les États membres, les organisations internationales et le secteur privé. L'objectif étant de dresser un état des lieux complet de la situation, de mettre en lumière les défis persistants et de susciter une réflexion collective autour d’initiatives concrètes et novatrices, adaptées.
We are NOT Weapons Of War (WWoW) a eu l'honneur d'être, en cette année 2024 choisie par le Ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations pour organiser l’évènement parallèle de la France à la CSW.
Cet évènement a été construit par WWoW, avec l'appui du Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères et du Ministère de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, avec le co-parrainage des missions permanentes de la France, de la Colombie et de la République Démocratique du Congo, et en partenariat avec le Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire Général (RSSG) en charge des Violences Sexuelles liées aux Conflits, il avait pour thème :
« Violences sexuelles liées aux conflits : comment progresser et lutter contre l’impunité ? Quel rôle pour les organes des Nations Unies, les États membres, les survivantes, la société civile et le secteur privé ? »
L'événement a été marqué par une série d'interventions poignantes et informatives, qui ont effectivement mis en évidence l'urgence d'une action collective pour combattre les violences sexuelles liées aux conflits.
Pramila Patten, RSSG chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, a ensuite mis en lumière une augmentation alarmante de 49% des cas de violence sexuelle dans les conflits, soulignant l'importance de la justice et de la recevabilité pour inverser cette tendance, et ce, malgré les défis liés aux ressources. Elle a annoncé l’ajout de 3 situations/pays dans son rapport annuel dont Israël et le Burkina Faso. Enfin, la RSSG a souligné l’impératif de toujours protéger les victimes et d’agir en écoute bienveillante, afin de répondre à leurs besoins précis.
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"Nous vivons un moment où cette violence faîtes aux femmes n’a jamais été aussi répandue (…). Le seul moyen d’inverser cette tendance c’est par la justice et la redevabilité."
Céline Bardet, Présidente et fondatrice de WWoW, a plaidé pour un soutien accru à la société civile et pour une meilleure compréhension de la situation à travers une étude mondiale sur les violences sexuelles liées aux conflits et aux crises, insistant sur la nécessité d'écouter et de protéger les victimes, tout en condamnant fermement les auteurs. Elle a aussi rappelé l'importance de toujours aborder la question des violences sexuelles liées aux conflits et aux crises avec une volonté renouvelée, en surmontant le relativisme de ces crimes pour protéger celles et ceux qui en sont victimes et condamner ceux qui en sont les auteurs.
"Il nous faut rester ferme et droit, malgré vents et tempêtes pour dire clairement :
Une Victime. Une Voix. La même, PARTOUT."
Le discours complet de Céline Bardet:
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Le choix de WWoW dans le cadre de cet évènement a été de mettre au centre les représentants, actrices, acteurs, survivantes et survivants des zones concernées.
Le panel a également été choisi afin d’apporter de précieuses contributions avec celles notamment d’Anastasiya Nenka, Hala Al-Karib, Anne-Gabrielle Heilbronner et Erika Veloza. Anastasiya Nenka, Directrice du Women's Information Consultative Center (WICC) en Ukraine, a mis en avant l'importance de la coopération entre la société civile et les institutions. WWoW travaille d'ailleurs en collaboration avec WICC en Ukraine, ainsi qu'avec Stand Speak Rise Up! à la préparation d’un symposium à Kiev, autour de la société civile ukrainienne et des survivantes et survivants de violences sexuelles liées au conflit russo-ukrainien.
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"Il ne faut pas continuer dans le silence et donner la voix aux survivantes, aux victimes et nous voulons le faire intégrer au droit humanitaire international."
Hala Al-Karib, directrice régionale de la Strategic Initiative for Women in the Horn of Africa (SIHA), a souligné l'impact disproportionné du conflit au Soudan sur les femmes. Elle a également rappelé le manque d’appui en expertise pour documenter les crimes et notamment les violences sexuelles commises au Soudan, région qui fait peu la Une des médias. WWoW explore comment mieux accompagner ce travail de documentation.
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"La guerre au Soudan se fait sur le corps des femmes et des filles"
Erika Veloza, directrice de l’ONG colombienne Genfami, a présenté le travail du Tribunal de la Paix en Colombie, et les efforts avant-gardistes sur l’intégration du genre dans tout le processus de justice transitionnelle en cours en Colombie. Elle a également souligné l'importance de la diplomatie féministe dans l'octroi de réparations adéquates aux survivants, complétant ainsi la diversité des perspectives et des recommandations présentées lors de l'événement.
"La violence sexuelle faîtes aux femmes a eu un énorme impact dans ce contexte sociétal très patriarcal où il y a une normalisation des violences faîtes aux femmes et aux filles."
Anne-Gabrielle Heilbronner, Présidente du Women's Forum, a abordé le rôle crucial des entreprises dans la lutte contre les violences sexuelles, la nécessité de plus d’éthique dans les processus commerciaux et le besoin, pour le secteur privé, d’être plus engagé sur les questions de violences sexuelles liées aux conflits et aux crises. Mme Heilbronner a également plaidé en faveur d'une meilleure représentation des femmes dans les processus décisionnel et rappelé l’urgence d’impliquer les hommes et les garçons autour des questions d’égalité, approche grandement applaudie.
"Il est alarmant de constater un recul des droits des femmes et une augmentation des violences lors des crises sanitaires ou climatiques et dans les pays en proie aux conflits ou gouvernés par des régimes extrémistes et fondamentalistes."
Leonor Zalabata Torres, Ambassadrice de la Colombie auprès des Nations Unies, Zénon Mukongo Ngay, Ambassadeur de la République Démocratique du Congo auprès des Nations Unies, et Iryna Postolovska, Vice-ministre de la politique sociale de l'Ukraine aux Nations Unies ont quant à eux partagé les initiatives spécifiques de leurs pays, mettant en avant l'importance de la mise en place de processus participatifs, de la création d’environnements sûrs pour les victimes, et de l'accès à la justice et aux réparations.
"Ces enfants ont droit à la reconnaissance, au droit à la santé et à l'éducation, à des réparations et à un soutien psychologique. Comment les femmes et les filles peuvent-elles reconstruire leur vie économiquement, lorsqu'elles sont violées et ont des enfants, sans moyens de subvenir à leurs besoins et qu'elles se retrouvent isolées ?"
Mildred Mapingure, survivante zimbabwéenne est intervenue au travers d’une vidéo diffusée durant l’évènement. Elle a notamment dénoncé l’absence de lois et le refus de la police d’enregistrer les plaintes et a appelé a davantage de reconnaissance des victimes et des enfants nés du viol, en soulignant les difficultés d’entregistrement liées à l’état civil et l’importance des réparations. C’est la première fois que Mildred apparaissait dans une vidéo avec sa fille Vimbai née de son viol. Elle a été ovationnée par une salle émue. Il était important pour WWoW de donner la parole aux survivantes dans le cadre de cet évènement, de rappeler ainsi l’importance de leur rendre un rôle d’actrice de leur vie et de ne pas les enfermer dans un statut permanent de victime.
WWoW est très fière d’avoir cette année organisé cet évènement qualifié de “blockbuster de l’année” par l’Ambassadeur de France auprès des Nations unies, Monsieur Nicolas de Rivière. Le 11 mars, devant la porte d’entrée de la salle dans laquelle se tenait l’événement, on a pu voir une très longue file d’attente, cette affluence reflétant l'intérêt des États et de la société civile pour les questions de violences sexuelles liées aux conflits et aux crises. Le succès d’estime et la réception positive de ceux qui ont pu assister à l’event témoignent de l'intérêt croissant et de l'actualité brûlante du sujet des violences sexuelles liées aux conflits et aux crises.
La vidéo complète du side-event:
Évènements parallèles
Les événements parallèles organisés par la société civile en dehors des locaux de l'ONU, sont au cœur de la CSW. L'équipe de WWoW s'est rendue à plusieurs d'entre eux, rencontrant des activistes et des actrices et acteurs du changement venant du monde entier. Ces réunions ont permis non seulement d'approfondir certains sujets, mais aussi d’aborder des questions étroitement liées au travail de notre ONG sur l'élimination de la violence sexuelle et sexiste. WWoW a notamment participé à des side-events sur la situation à Gaza et en Palestine, sur le conflit en Ukraine, sur l’accès à la justice, sur le rôle des hommes dans l’égalité des genres et sur le leadership des femmes dans les forces armées. Cette semaine a également été l’occasion de conduire plusieurs réunions de travail avec l’équipe du bureau de Pramila Patten, avec Forum Dvora et bien d’autres équipes présentes sur place.
Expert-level meeting
Nous avons été particulièrement heureux que notre présidente soit invitée à prendre la parole lors d'une réunion d'experts sur l'efficacité des outils du Conseil de sécurité de l'ONU pour dissuader et pénaliser les violences sexuelles liées aux conflits et associées au terrorisme à la Mission française. Parmi les participants figuraient des représentants de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme (DECT), d'ONU Femmes et de la société civile, de l'Institut international de la paix, ainsi qu'un panel d'experts des pays membres du Conseil de Sécurité. L’intégration des violences sexuelles comme élément constitutif de sanction reste encore peu développée et le DECT a initié un travail important autour de ces questions avec la publication de plusieurs rapports.
Dernier rapport DECT.
La question des sanctions pour les VSC liées au terrorisme est un sujet sur lequel notre ONG travaille depuis plusieurs années et qui a mené à l’adoption de sanctions à l’encontre de libyens en 2018. WWoW souhaite continuer à s'engager sur ces questions qui touchent directement celles de l'impunité pour ces violences, attribuable au manque d'expertise au sein des systèmes nationaux et internationaux sur les violences sexuelles liées aux conflits et aux crises. WWoW se réjouit aussi de l’annonce du DECT de développer davantage de coopération avec la société civile.
LE COMITE CONTRE LE TERRORISME
En 2001, le Conseil de sécurité a unanimement approuvé la résolution 1373, créant ainsi un comité dédié à la lutte contre le terrorisme, appelé Comité contre le terrorisme (CCT). Ce comité est appuyé par une Direction exécutive (DECT), responsable de l'application de ses décisions et de la conduite d'évaluations dans les 193 États membres de l'Organisation.
Alexandra Dier, coordinatrice genre du CTED a identifié plusieurs défis clés concernant les VSC au sein du Conseil de sécurité et du système de sanctions. Ces défis incluent un manque de priorisation et de sensibilisation à la violence sexuelle et sexiste dans les efforts de lutte contre le terrorisme, la perception des VSC comme une question uniquement féminine et l'insuffisance d'expertise au sein des systèmes nationaux sur la manière de mener des enquêtes et d'assurer la participation des victimes. Par ailleurs, Alexandra Dier a souligné la nécessité de promotion par les États membres de bonnes pratiques telle que, par exemple, la réforme des lois pénales afin d’y inclure des accusations cumulatives en vertu du terrorisme et du droit pénal international.
Ces observations ont été confirmées par Pauline Brosch d'ONU Femmes, qui a souligné qu'il n'y a pas d'experts dédiés aux violences sexuelles et sexistes travaillant sur les sanctions. En outre, elle a mentionné le fait que dans le régime de sanctions du comité 1267 traitant de Daech, aucune question de genre n'est mentionnée bien que l'utilisation de la violence sexuelle par Daech est bien documentée. Ceci est similaire au régime de sanctions d'Al-Shabab, dans lequel Pauline Brosch a déclaré que le manque de sensibilisation est la principale raison pour laquelle les questions de genre ne sont pas incluses. Elle a recommandé que les réunions sur les sanctions incluent des séances d'information par des experts en matière de genre et, inversement, que les experts en sanctions soient invités aux réunions sur l’agenda Femmes, Paix, Sécurité.
Grâce à son expertise, WWoW est un acteur clé pour relever ces défis. Le renforcement de capacité est l'un des piliers des activités de WWoW, avec des formations mises en place pour différents acteurs tels que les institutions nationales et internationales, les forces armées et de police, les organisations de la société civile, les défenseurs des droits et bien d'autres. La réunion d'experts à New York a constitué une opportunité importante pour échanger avec différents intervenants autour des défis et bonnes pratiques.
Conseil de sécurité
Durant cette semaine new-yorkaise, WWoW a également pu assister à la session extraordinaire du Conseil de Sécurité, tenue le 11 mars 2024, au cours de laquelle Pramila Patten a présenté les éléments de son rapport sur les violences sexuelles commises dans le contexte des attaques du 7 octobre 2023. Seul rapport d’information indépendant à ce jour sur ce sujet, le rapport conclut à la nécessité d’un travail de documentation indépendant autour des violences sexuelles et crimes basées sur le genre commis le 7 octobre. WWoW a initié un travail en ce sens en novembre 2023.
L'équipe de WWoW à New-York
Céline Bardet, Fondatrice et Présidente
Marine Guyard, Chargée d'expertise
Lilit Grotjahn, Chargée de projet et analyste